Ces réseaux sont trop verts
Article by Jean-Marie Leloup published in Les Echos de la Franchise, October 1, 2018.
Pour celui ou celle qui souhaite créer ou développer son entreprise dans le cadre d’un réseau de franchise la décision est préparée dans une certaine solitude : le candidat franchisé est isolé au moment d’un choix capital qui engage plusieurs années de vie professionnelle, choix qui peut assurer une réussite durable ou compromettre toute une carrière avec les incidences que l’on sait sur la vie familiale et professionnelle.
L’adhésion à un réseau peut se faire dans l’enthousiasme suscité par une présentation flatteuse. Certes il faut de l’enthousiasme pour embrasser une carrière indépendante, mais il faut aussi porter une grande attention au fonctionnement quotidien du réseau dont on souhaite devenir membre.
L’information précontractuelle fournie par le réseau et au réseau
Depuis bientôt trente ans, la loi du 31 décembre 1989, connue sous le nom de loi Doubin, intégrée aux articles L 330-3 et R 330-1 du Code de Commerce définit le document d’information précontractuelle que le franchiseur doit remettre à tout candidat franchisé au moins vingt jours avant la signature du contrat. La jurisprudence a interprété intelligemment ce texte, s’attachant non à sa lettre mais à sa finalité : même si un renseignement visé dans la liste de l’article R 330-1 n’a pas été fourni, le franchisé s’est-il engagé en connaissance de cause ?
L’inobservation vénielle des articles L 330-3 et R 330-1 du Code de Commerce ne provoque pas l’annulation du contrat, ce n’est que si cette inobservation a entrainé une altération du consentement du franchisé que l’annulation pourra être prononcée.
La réforme du droit des obligations, portée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 20 avril 2018, ne modifie pas l’information précontractuelle due au franchisé mais rend réciproque cette information. Le franchiseur est en droit de se faire communiquer ce qui lui parait indispensable au succès de la collaboration qui va être conduite en exécution du contrat : ainsi le détail des moyens financiers mis en œuvre par le futur franchisé pour exécuter le contrat est un élément qui peut être exigé par le franchiseur.
La découverte du réseau
Le candidat franchisé serait bien imprudent de se contenter de l’examen du document d’information précontractuelle : il lui faut notamment mener une étude approfondie de son marché, dont le franchiseur n’est tenu que de lui faire une présentation succincte. Le candidat franchisé doit bien définir son marché géographiquement : par exemple, dans le commerce des pizzas, la livraison ne doit pas prendre plus de trente minutes, ce qui définit selon les conditions de circulation une circonférence de 3,5 à 7 kilomètres autour du point de vente ; pour toutes les activités il faut considérer les flux de passage liés aux transports en commun, il faut porter attention à l’environnement commercial, notamment concurrentiel, (la présence de plusieurs concurrents n’est pas un handicap si la nouvelle entreprise est en mesure de faire sa place par les prix et la qualité des services rendus ou des produits offerts).
Outre le décryptage du document d’information précontractuelle, la diligence fondamentale à accomplir est de visiter un nombre sérieux de franchisés du réseau, pour recueillir l’historique de leurs relations avec le franchiseur, mesurer les difficultés qu’ils ont rencontrées et écouter surtout ceux qui vivent depuis plusieurs années dans le réseau en exécution de contrats renouvelés. La durée de leur collaboration est un point capital à étudier tout comme l’expérience du franchiseur : franchiser c’est réitérer une réussite en donnant aux partenaires franchisés les moyens de cette réussite.
L’expérience de la tête de réseau
Il faut savoir qu’une enseigne notoire, portée par une entreprise riche et célèbre, ne peut pas se permettre de laisser périr un point de vente portant son enseigne. Si le franchiseur n’est qu’une jeune entreprise, elle mérite sympathie et encouragement mais elle doit faire ses preuves par elle-même et un candidat franchisé ne doit pas la rallier. Se souvient-on que la société Eram avait trente-trois ans d’existence quand elle s’est décidée à devenir franchiseur, que Louis Le Duff (La Brioche Dorée, Del Arte) avait ouvert et exploité trois cent points de vente avant de recruter des franchisés ? Si le réseau n’est composé que de franchisés récemment installés, si la marque ne bénéficie pas d’une notoriété assise, si le franchiseur ne peut lui-même se recommander d’expérience, il peut être imprudent pour un candidat franchisé de rejoindre un tel réseau, il doit se dire, ce réseau est trop vert : il n’est pas bon pour moi.
Explications sur les proverbes de la franchise : La franchise est un merveilleux système de développement mais pour qu’elle le soit il faut satisfaire des exigences de part et d’autre. Pour être un bon franchiseur, il faut détenir une marque solide et avoir expérimenté, avec succès, un système de gestion original, le savoir-faire, conférant un avantage concurrentiel à ceux qui le mettent en œuvre et il faut avoir aussi une structure d’animation adaptée à la taille du réseau des franchisés. Pour être un bon franchisé, il faut d’abord avoir ce qui est requis de tout commerçant : l’attention à autrui et la compréhension de ses réactions avec la volonté de bien s’entendre avec cet interlocuteur mais il faut en plus savoir concilier l’esprit d’initiative d’un entrepreneur et le respect absolu des méthodes mises au point par le franchiseur.
Jean-Marie Leloup rappelle certaines exigences du franchiseur, proposant les proverbes de la franchise :
– ces réseaux sont trop verts,
– les chaines et le réseau,
– le cœur a ses réseaux,
– il faut savoir réseau garder,
– les réseaux de la colère,
– le réseau du plus fort.
Cette série commence donc par « Ces réseaux sont trop verts ».
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